La machine Enigma
Par Alain Benoist – Administrateur du Mémorial des bunkers de Pignerolle
Le fonctionnement de la machine Enigma
Cette absence de bombardement de Pignerolle s’explique possiblement en raison de l’importance d’intercepter tous les messages énigmatiques et cryptés par cette machine pour la U-Bootwaffe. Ceux de la Kriegsmarine sont à destination de tous les bâtiments pour la mise en place de la stratégie en mer de l’État-major. La majorité de ces communications entre celui-ci et les bâtiments sur le champ des opérations militaires ou entre les navires eux-mêmes s’effectuent par radiotélégraphie à l’aide du code international morse. Les communications avec en moyenne une vitesse de 90 caractères à la minute, sont possibles avec le bâtiment tout pendant que celui-ci est en surface ou en plongée à l’immersion périscopique. Vers le milieu du conflit les améliorations techniques lui permettent de recevoir les messages radio en immersion plus importante jusqu’à une profondeur de trente mètres, suivant les conditions météorologiques.
Il est donc primordial très rapidement de crypter les messages et de ne plus communiquer en clair. Pour crypter ses messages, la Wehrmacht utilise depuis les années 30, alors massivement, une version militaire de la machine Enigma et l’améliore, ils en fabriquent environ cent-mille exemplaires. La Wehrmacht, les Panzerdivisionen, la SS, les services ferroviaires, la police… en sont équipées.
La machine, surnommée « Presse-fruit » par les sous-mariniers, se présente sous la forme d’une caisse en bois de 34×28×15 centimètres, et pèse une douzaine de kilos. Elle est composée :
· D’un clavier alphabétique ;
· D’un tableau de connexion ;
· De 3 ou 4 rotors mobiles à 26 positions (Appelés également Trommelwalzen en allemand ou rouleaux ou tambours) ;
· D’un tableau de 26 ampoules correspondant aux 26 lettres de l’alphabet.
Le principe de fonctionnement de l’Enigma est à la fois simple et astucieux. La machine repose sur plusieurs rotors. Ils ont pour objectif de chiffrer une lettre par une autre lettre de la même façon que le ferait un chiffrement alphabétique classique.
A chaque fois que l’on presse une lettre sur le clavier une ampoule s’éclaire qui correspond à la lettre codée. Le premier rotor tourne à chaque appui de touche, le second tous les 26 pressions etc. Par exemple, le message contenant « A-A-A-A-A-A » peut devenir « C-F-R-T-U-I ». Ainsi, si le commandement allemand et le submersible possède le même réglage de départ, il suffit à l’opérateur du bâtiment de taper directement le message codé pour obtenir le message clair. Enigma sert donc à chiffrer et à déchiffrer les communications.
Les Allemands diffusent dans leurs services des carnets de code permettant de réactualiser chaque jour à minuit les machines, par la position initiale des rotors. Ces carnets de code sont valables un mois. Avec quatre rotors utilisés en même temps le nombre de possibilités calculé est de près de 159×1018 possibilités. Les configurations changent chaque jour, les cryptologues polonais puis britanniques n’ont que 24 heures pour comprendre les communications du jour. Pour la première fois dans l’histoire, un code semble donc inviolable.
L’histoire de la machine Enigma
Cette machine Enigma [1] a été inventée initialement par Arthur Scherbius [2] et Richard Ritter [3] au début des années 20. Elle est créée par ses inventeurs pour s’amuser et connait un grand succès commercial. Près de trente-mille modèles civils sont vendus, notamment à des banques ou à de grandes compagnies. Arthur Scherbius fait breveter la machine de chiffrement novatrice qui portera plus tard le nom de Machine Enigma, nom tiré de l’œuvre Variations Enigma, op. 36 [4].
Le 8 mai 1919, la section de cryptographie de l’armée polonaise est fondée. Elle contribue à la victoire sur les bolchevistes, pendant la guerre russo-polonaise de 1919-1920. En 1929, le colonel Gwido Langer prend la tête du service.
Dans l’entre-deux-guerres incertain, la Pologne craint les visées expansionnistes d’une Allemagne revancharde [5], prête à basculer dans le nazisme. Déchiffrer ses communications militaires est devenu un enjeu de survie. Les transmissions allemandes devenant la cible prioritaire, le BS-4, la section polonaise de déchiffrement des messages allemands nouvellement créé, est dirigée par Maksymilian Ciężki. Les tentatives de décryptage des messages allemands débutent donc en Pologne avant la guerre. En 1931, le Biuro Szyfrów [6] est formé par fusion du bureau de renseignement transmissions et du bureau de cryptographie. Il ne parvient pas encore à lire totalement les messages chiffrés par Enigma.
L’après-midi du dernier samedi de janvier 1929, un colis d’Allemagne est bloqué par la douane de Varsovie. D’après le manifeste, il contient de l’équipement radio. Le représentant de l’entreprise allemande exige que ce colis, expédié par erreur hors valise diplomatique, soit renvoyé en Allemagne avant de passer en douane. Mais alertés par son insistance, les douaniers préviennent le bureau du chiffre qui s’intéresse de très près aux nouvelles techniques. Mandatés par le bureau du chiffre, Ludomir Danilewiecz et Antoni Palluth ouvrent avec mille précautions la boîte qui contient, non pas une radio, mais une machine à chiffrer. Du samedi soir au lundi matin, ils examinent l’engin sous toutes les coutures, avant de le remballer soigneusement. Il s’agit d’une machine à chiffrer commerciale, de marque Enigma. Le bureau du chiffre s’empresse d’en acheter un exemplaire, par des voies tout à fait légales, auprès de son inventeur allemand qui la commercialise depuis 1923.
Le 8 juin 1931 à Berlin Hans-Thilo Schmitt entre dans l’ambassade française. Il est employé au bureau du chiffre du ministère de la Reichswehr [7] et il connait le secret des toutes nouvelles avancées allemandes dans le chiffrement militaire. Il propose de vendre ces découvertes. C’est un noctambule, amateur de femmes, toujours à court de capital financier, surtout après la crise de 1929. Il ne trahit pas son pays par idéologie mais pour de l’argent. Il est reçu dans un hôtel belge par un certain Rodolphe Lemoine [8], agent triple et personnage trouble ainsi que par le capitaine Gustave Bertrand en poste à Varsovie depuis mars 1931. Il chef des services de transmissions françaises au 2ème bureau, le Service de Renseignement de l’armée française. Hans-Thilo Schmitt, qui a accès à la documentation d’Enigma, renouvelle ses offres au SR français qui sont acceptées, à condition qu’il fournisse vite un renseignement important, afin de prouver sa bonne foi. A cet instant il devient la source Asche et il révèle tout ce que les Français cherchent. En septembre et octobre 1932, le bureau du chiffre reçoit du capitaine français des copies de documents allemands, deux manuels et deux pages de clefs quotidiennes ; titre des documents : Gebrauchsanweisung für die Chiffriermaschine Enigma [9] et Schlüsselanleitung für die Chiffriermaschine Enigma [10]. Avec les documents livrés, Gustave Bertrand court prévenir les renseignements français qui n’accordent aucun crédit à ces informations car, pour ces derniers, le chiffrement mécanique est imperméable. Alors il propose ses documents à l’Angleterre qui n’en veut pas non plus, Enigma est un problème bien trop compliqué. Gustave Bertrand sollicite donc par l’intermédiaire de l’ambassade de France en Pologne un rendez-vous d’urgence avec le colonel Gwido Langer qui le reçoit avec enthousiasme. Ces livres de code lui permettent de déchiffrer les premiers messages juste avant que le monde ne bascule avec l’avènement d’Hitler au poste de chancelier.
A la fin de l’année 1932, le jeune [11] et talentueux mathématicien Marian Rejewski [12] entre au Biuro Szyfrów. Il y est affecté à la résolution du décryptage des messages allemands. Parmi ses contributions avec ses collègues Jerzy Różycki et Henryk Zygalski, il élabore, en cinq ans, la bomba kryptologiczna [13]. En 1938, avec la machine qu’ils détiennent, les documents fournis par le capitaine français, les polonais décryptent et lisent 70% des messages allemands. Marian Rejewski fait une des plus grandes avancées de l’histoire de cryptographie, en appliquant des méthodes de mathématiques pures contre Enigma. A partir de cette époque, la cryptographie polonaise est à la pointe. Dix ans plus tard, Marian Rejewski, alors en France, au PC Bruno [14], découvrira que ses cours d’étudiant s’appuyaient sur le livre de cryptographie d’un général français, Marcel Givierge [15].
Dans les mois qui précèdent le début de la guerre, les armées allemandes modifient certaines caractéristiques de leurs machines Enigma multiplient par quinze-mille le nombre de clés possibles avec plusieurs milliards de milliards supplémentaires de combinaisons qui réduisent donc à néant ou presque les avancées des scientifiques polonais. Ces derniers ne lisent plus que 10% des messages.
Cinq semaines avant la guerre, avant que le pays ne tombe complètement entre les mains allemandes et avec l’aide de l’officier français, Marian Rejewski et ses collègues présentent le 26 juillet 1939 leurs réalisations aux représentants des services de renseignement français et britanniques convoqués dans une base secrète en banlieue de Varsovie. Ils leurs fournissent une machine Enigma, ainsi que l’ensemble de leurs découvertes.
A Betchley Park, par la suite, les britanniques travaillent à la « reconception » du calculateur. La Bombe anglaise se présente sous la forme d’une armoire métallique de deux mètres cinquante de large sur un mètre quatre-vingt de haut équipé de tout un tas de bobines d’une douzaine de centimètres de diamètre disposées à l’avant. L’arrière est monté sur des gonds et s’ouvre sur un entrelacs considérable de câbles multicolores et l’éclat terne des cylindres métalliques.
Ce sont bien les mathématiciens polonais qui réussissent les premiers à déchiffrer les messages cryptés par Enigma grâce à l’aide, entre autres, du capitaine français Gustave Bertrand. Les Anglais le feront plus tard un peu plus vite en remplaçant le système électromécanique par un autre semi-électronique.
· Gordon Welchman [16] dira : « Ultra n’aurait jamais décollé si nous n’avions appris des Polonais, au tout dernier moment, tous les détails du fonctionnement de l’Enigma militaire et des procédures de mise en œuvre.»
· Peter Calvocoressi, chef britannique de la section Luftwaffe de la Hutte 3[17], dira de la contribution polonaise : « Point-clef : que vaut-elle ? D’après les meilleurs juges, elle a accéléré la lecture d’Enigma de peut-être un an. Les Britanniques n’ont pas adopté les techniques polonaises, mais ils ont été éclairés par elles. »
Les cryptologues britanniques intercepteront et déchiffreront une majorité des messages émis. Ils sont également aidés dans leurs travaux de recherche grâce à quelques erreurs commises par les Allemands. Ils exploitent différentes faiblesses dans la façon dont les forces de l’Axe utilisent leur système de codage. Souvent le message commence, par exemple, par des formules de politesse assez convenues, de type « Herr Kommandant », faciles à deviner ou comme ce jeune opérateurs germanique qui utilise systématiquement comme clé les initiales de sa petite amies mais aussi l’habitude des émetteurs de messages codés de terminer à chaque fois par HH [18]. De plus, tous les matins, vers 6h00 les Allemands envoient un bulletin météo avec systématiquement le mot « Wetter [19] » dans le message. Ils sont écoutés par les britanniques et ne reste plus, pour ces cryptologues, à l’identifier. Ils ne tardent pas, également, à découvrir une faille de la machine Enigma : rien ne se retrouve dans son état initial, un A ne sera jamais crypté par un A, un B ne sera jamais un B, un C ne sera jamais un C et ainsi de suite.
Mais encore plus méfiante que l’aviation et l’armée de terre, la marine allemande, en mai 1937, introduit une nouvelle procédure, bien plus hermétique, de choix de l’indicateur, qui ne sera plus brisée avant plusieurs années.
La Royal Navy organise plusieurs coups de main contre des chalutiers armés et des navires-météo. Des équipes de prise montent à bord de U-Boote abandonnés par leur équipage. À chaque fois, des manuels et des documents sont capturés, ainsi le 9 mai 1941, une machine Enigma M3097, en état de marche, accompagnée du code du jour et d’autres instructions secrètes, est saisie sur le U-110 suite à son arraisonnement par HMS Bulldog qui escorte un convoi à l’est du cap Farvel [20]. Le commandant du submersible n’est autre que Fritz-Julius Lemp, responsable du naufrage du l’Athénia en 1939. Il est contraint de faire surface en catastrophe après un grenadage. L’ordre d’abandon est donné ainsi que celui du sabordage mais les explosifs ne fonctionnent pas. Une chaloupe du destroyer avec une équipe britannique est envoyée en même temps à bord du U-Boot toujours à flot et récupère, entre autres, l’exemplaire de la machine. Fritz-Julius Lemp est probablement mort tué par les tirs provenant de la chaloupe ou noyé en tentant de retourner sur son submersible en nageant pour terminer le sabordage du bâtiment qui refuse de couler. Aussitôt informée, l’Amirauté britannique impose un black-out total. Winston Churchill lui-même n’est mis au courant de la prise que quelques semaines plus tard.
Dans la nuit du 30 octobre 1942, un destroyer britannique [21] qui protège un convoi, découvre un submersible [22] et le pousse à faire surface au large de la côte égyptienne. Les grenades anti-sous-marines de trois autres destroyers [23] soutiennent son effort. L’équipage allemand doit abandonner le navire, quatre membres sont morts dans les explosions ou noyés. Convaincu que leur navire coulerait, l’équipage organise le sabordage mais ne réussit pas à détruire les livres-codes et la machine Enigma. Les sous-mariniers allemands sont capturés par les troupes britanniques. Alors, des marins alliés nagent rapidement une première fois vers le navire qui coule lentement et s’emparent de quelques livres de codes. Mais deux marins se noient alors que le submersible coule. Les Britanniques possédaient déjà une machine Enigma mais ne parvenaient pas à l’exploiter complètement.
Suite à la capture de cette dernière et des livres de code, l’équipe de cryptographes britanniques se trouvent maintenant en mesure de décrypter tous les messages allemands. L’OIC [24] les exploite et permet aux convois prévenus de la présence des U-Boote sur leur route, de les éviter plus souvent.
Le déroulement de la bataille de l’Atlantique se déroule de manière troublante pour les Allemands. Le premier fait observé par l’État-major de la Kriegsmarine est la facilité déconcertante avec laquelle l’ennemi déroute ses convois en contournant les meutes de U-Boote. Les rapports ennemis interceptés confirment que les convois connaissent précisément l’emplacement des groupes de submersibles.
La détermination possible de la position des submersibles à la mer par radiogoniométrie de leurs émissions est un risque accepté de la tactique en meute. La rupture de la communication avec l’État-major reste, pour le BdU, inenvisageable et inacceptable.
Toutefois des précautions sont prises contre un possible espionnage et le nombre de ceux qui ont accès aux secrets opérationnels est réduit à son strict minimum. On stoppe également le double des comptes-rendus de position, quotidiennement adressés jusque-là à d’autres commandements. En 1943, Karl Dönitz fait également changer les livres de chiffres, complexifie la mécanique par l’ajout, dans la machine Enigma navale [25], d’un de rotor complémentaire bloquant ainsi les décryptages anglais seulement pendant un temps. Dans la Kriegsmarine, les machines Enigma sont fournies avec un jeu de six, sept puis huit rotors. Parmi ces derniers, quatre sont choisis et placés simultanément dans la machine. Dans la Heer et la Luftwaffe, les machines Enigma ne sont pas identiques mais possèdent toutes trois rotors jusqu’à mi décembre 1938, où le nombre est porté à cinq. Ils ne sont pas utilisés simultanément : un jeu de cinq rotors est fourni avec la machine, mais l’opérateur en choisi trois parmi les cinq.
Chaque arme est jalouse de ses prérogatives et rechigne à collaborer avec les autres. Par exemple Goering met beaucoup de temps à fournir des avions à la marine pour constituer une aéronavale digne de ce nom qui aurait pu inquiéter bien plus les convois alliés qu’elle ne l’a fait. Un ordre du Führer finira par le contraindre. Le régime nazi est en fait constitué de « baronnies » concurrentes ce qui conduit à une énorme gabegie de ses ressources limitées. Dans ces conditions chaque arme a sa stratégie de chiffrement.
Dans d’autres domaines militaires (Heer, Panzerdivision, Luftwaffe…), les sujets de sa Majesté espionnant toutes les conversations du IIIème Reich et des autres forces de l’Axe peuvent ainsi anticiper et déjouer nombre d’opérations du plan de bataille ennemi.
De leur côté, les Allemands écoutent les communications britanniques depuis les années vingt. En parvenant partiellement à casser le Naval Cytpher 3 des messages cryptés de la Royal Navy au début de la guerre, les Allemands sont rapidement capables de fournir les indications les plus précises sur les points de rencontre, les routes et les vitesses des bâtiments alliés. En réalité, sans qu’aucun des deux camps ne le sache, les Anglais et les Allemands lisent leurs trafics de message respectifs. Mais en 1941, les renseignements obtenus par les écoutes du trafic anglais sont moins utilisables depuis que les britanniques ont changé leur code. A ce moment là, les meilleures sources de renseignements restent les submersibles à la mer et les liaisons téléphoniques avec le B-Dienst [26]. En 1942, il retrouve son efficacité d’antan, alors que les décrypteurs alliés butent sur les complications apportées à Enigma par une nouvelle grille de codage. Contrastant avec les revers terrestres [27], les U-Boote atteignent, de nouveau, un recors.
Suite à l’opération Torch [28] en Afrique du nord, les Allemands incitent les Italiens à adopter la machine Enigma dans leurs communications navales. Betchley Park perçoit les messages de Rome aussi bien que ceux de Berlin.
Pour que ce système d’espionnage reste durablement efficace, il faut aussi que les Allemands ne se doutent de rien, faute de quoi la sécurité de leurs transmissions aurait été modifiée. En Méditerranée, les messages allemands et italiens qui annoncent la route et le calendrier des convois de ravitaillement des forces de l’Axe en Tunisie et en Libye sont couramment décryptés par les spécialistes britanniques, mais l’attaque est précédée d’une reconnaissance aérienne qui trouve le convoi « par hasard »
Le dimanche 4 juin 1944, suite à un grenadage anti-sous-marin par un destroyer américain et de deux Wildcats [29], le Kapitänleutnant Harald Lange est obligé de faire surface. Ordre est donné d’évacuer le bâtiment. L’U-505, évacué par son équipage et est abordé par une chaloupe du Pillsbury. Les marins américains s’emparent du U-Boot, de ses appareils radars, des documents et des codes secrets, neutralisant treize des quatorze charges de sabordage connues pour être installées dans ce type de bâtiment. Il s’agit de la première prise en haute mer d’un navire ennemi par la marine des États-Unis depuis la guerre de 1812. Les autorités navales américaines, voulant garder le secret, décident de diriger l’U-505, non vers Dakar au Sénégal le port le plus proche, mais vers les Bermudes qui se trouvent à 1 700 milles, pour faire croire à Karl Dönitz que le submersible avait coulé avec son équipage et avec ses codes secrets. Le 19 juin 1944, l’U-505, remorqué et battant pavillon américain, entre dans la baie de Port Royal, révélant un nouveau type de torpilles : la torpille acoustique G7es ou T5 Zaunkönig pour laquelle les alliés n’avaient aucune information fiable.
Suspicions allemandes
· Première hypothèse : Le décryptage de l’Enigma est resté un secret pendant la guerre et même au delà. L’armée allemande ne s’est jamais doutée que les alliés avaient réussi à décrypter leur code et à se procurer une de leur machine.
Un jour où trois U-boote ont rendez-vous près d’une petite île de la mer des Caraïbes un destroyer britannique surgit. Les U-Boote s’échappent et rendent compte. Karl Dönitz demande une enquête. L’étude indique que le problème, s’il y en a un, ne vient pas de la machine Enigma mais d’éventuelles fuites dans son entourage. Les experts en communication interrogés, affirment que l’ennemi ne peut pas avoir déchiffré les codes et les renseignements de son propre service du chiffre. Pour les Allemands, humainement, il est impossible de percer le secret du cryptage et, en cela, ils avaient raison car ce n’est pas un homme seul qui y parviendra, mais une équipe hétéroclite aidée d’immenses calculateurs. Les Allemands garderont pendant toute la durée de la guerre une confiance totale en leur machine. Tous les État-majors de la Wehrmacht restent confiants quant à sa sûreté. Au vu et au su de tous, ils s’échangent des messages radios-cryptées pour toutes les communications secrètes entre les différents Quartier-généraux et toutes les troupes sur le terrain ainsi que pour les communiqués entre les ambassades jusqu’à la fin. Il faudra attendre 1978 avec le livre de Frederick William Winterbotham pour que Karl Dönitz admette la réalité du travail accompli par les décrypteurs de Betchley-Park. Il n’en parlera pas, et pour cause, dans ses mémoires intitulés dix ans et vingt jours publiées en Allemagne en 1959.
· Seconde hypothèse : Les Allemands ont commencé à soupçonner les Britanniques d’avoir décrypté les messages chiffrés par Enigma dès 1942. Ils imaginent que leurs codes n’est pas « incassables » et c’est pour cela que la machine Enigma sera améliorée au fil des ans. En décembre 1940, des enquêteurs allemands retrouvent, dans les archives françaises capturées à Paris et à La Charité-sur-Loire trace de tentatives de vente de codes et chiffres et de deux contacts d’agents au bureau allemand du chiffre et au bureau de recherches du ministère allemand de l’air.
De plus, les Allemands travaillent sur leurs propres ordinateurs conçus par Konrad Zuse [30] pour casser les codes alliés, ils supposent donc que les Alliés font de même pour casser le cryptage par la machine Enigma.
Après la guerre, la plupart des généraux allemands voient leurs soupçons confirmés lorsque le décryptage d’Enigma est devenu public.
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[1] Die Chiffriermaschine Enigma en allemand
[2] Hommes d’affaires allemand et docteur en ingénierie électrique.
[3] Ami allemand de Arthur Scherbius.
[4] Variation énigmatique : Pièce musicale à clés (entre 1898 et 1899) du compositeur britannique Edward Elgar où il s’agit d’évoquer sans la mentionner la présence de personnes par une série d’omissions successives, à base d’un « thème caché crypté énigmatique » et de quatorze variations.
[5] Suite au Traité de Versailles de 1919 avec la création du corridor de Danzig.
[6] Bureau de chiffrement.
[7] Littéralement « défense du Reich », c’était l’armée de la république de Weimar, de 1919 à 1935.
[8] De son vrai nom Rudolf Stahlmann, il est né à Berlin en 1871 et mort à Baden-Baden en 1946.
[9] Instructions de mise en œuvre de la machine à chiffrer Enigma.
[10] Instructions de réglage de la machine à chiffrer Enigma
[11] 27 ans.
[12] Fin 1939 et début 1940, il accompagne le gouvernement polonais en exil à Angers.
[13] Bombe cryptologique : machine à usage spécifique conçue vers octobre 1938 par le cryptologue polonais Marian Rejewski pour déchiffrer les codes allemands. L’engin est baptisé de ce nom parce qu’il fait tic-tac lorsqu’il fonctionne et ne s’arrête que lorsqu’elle à trouvé ce qu’elle cherche.. Une machine inspirée de celle-ci, nommée bombe, est utilisée par les cryptologues britanniques et américains dans le même but.
[14] PC Bruno est le nom de code d’une cellule de déchiffrement franco-hispano-polonaise à 40 kilomètres au sud-est de Paris, sous contrôle des services de renseignements français (SR-Guerre), pendant la Seconde Guerre mondiale. Le lieutenant-colonel Gustave Joseph Marie Bertrand en est le commandement. Il reste actif jusqu’au 23 juin 1940 jour d’entrée en vigueur de l’armistice, les quinze Polonais et les sept Espagnols sont expédiés par avion à Oran, puis à Alger. Les Polonais insistent pour passer en Grande-Bretagne, afin de rejoindre les unités polonaises. Créé après la bataille de France le PC Cadix est mis en place par le Régime de Vichy en zone non occupée près d’Uzès. Il s’agit d’une résurgence du PC Bruno.
[15]1871/1931, général français, il est le spécialiste de la cryptologie. Il publie (alors colonel) en 1925 « le Cours de cryptographie » et en 1935 « Premières notions de cryptographie ».
[16]1906 / 1985. Mathématicien britannique et un cryptographe à Bletchley Park, il est nommé à la tête de la sixième section des services du chiffre. La Hutte 6 était chargée de percer le chiffre des machines Enigma de l’Armée de terre et de l’Armée de l’air allemandes. Welchman conçoit une amélioration de l’architecture de l’appareil électromécanique de décryptage, la « bombe cryptologique » de Turing. En 1982, il publie ses mémoires, décrivant comment le chiffre Enigma de la Luftwaffe a été brisé.
[17] Traduction et analyse de décryptages de la Luftwaffe et de la Heer.
[18] Heil Hitler.
[19] Météo.
[20] Sud du Groenland.
[21] le HMS Petard.
[22] Le U-559.
[23] Les HMS Pakenham, HMS Hurworth et HMS Dulverton.
[24] Opérational Intelligence Center : Bureau de l’Amirauté chargé de l’exploitation des données de Betchley-Park.
[25] Enigma M4.
[26] BeobachtungsDienst : service de décryptage de l’Oberkommando der Marine. Les Allemands décryptent les messages anglais afin de repérer les convois mais les cryptologues germaniques sont dispersés au hasard d’affectations à des services très compartimentés qui ne communiquent pas entre eux. Il n’y a pas en Allemagne de centralisation comparable au Royaume Unis. L’OKM comprend plusieurs services du Marinenachrichtendienst (MND) concernés par le chiffre.
[27] El-Alamein du 23 octobre au 3 novembre 1942 et Stalingrad du 17 juillet 1942 au 2 février 1943.
[28] 8 novembre 1942.
[29] Le Grumman F4F Wildcat est un avion de chasse embarqué américain en service au sein du corps des Marines américains ainsi que dans l’aéronavale britannique.
[30] 1910–1995. C’est un est un ingénieur allemand qui fut l’un des pionnier du calcul programmable qui préfigure l’informatique. Considéré comme le créateur du premier calculateur binaire programmable en calcul binaire et à virgule flottante qui a vraiment fonctionné au sens de Turing-complet (par calque de l’anglais Turing-complete) : le Z3 en 1941. Dans un tel système, il est possible de programmer n’importe quelle machine de Turing.
Le Z 4 commencé en 1942, remonté, modifié et achevé en 1950 à l’ETH de Zurich, est le seul ordinateur en Europe en dehors de l’Angleterre et deuxième ordinateur commercialisé dans le monde après le BINAC.