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L’équipage d’un U-Boot

Par Alain Benoist – Administrateur du Mémorial des bunkers de Pignerolle

L‘équipage d’un U-Boot

Corps d’élite dans une Kriegsmarine déjà élitiste, regroupés dans trente-et-une flottilles, les sous-mariniers formaient une corporation à part, avec ses règles et ses traditions. L’amiral Dönitz, qui avait été commandant de submersible pendant la Première Guerre mondiale, veille à entretenir parmi ses équipages un esprit de corps et de camaraderie affranchi d’une trop pesante rigueur hiérarchique. Les sous-mariniers, par exemple, reviennent de mission avec très souvent la barbe et ne porte pas d’uniforme à bord. Souvent, à l’intérieur du U-Boot s’observe une absence totale de discipline et d’esprit de caste à la prussienne.

La  Schimmütze [1] blanche portée par le commandant s’impose dans les us et coutumes comme la marque distinctive du patron du submersible alors même que la tenue réglementaire impose la coiffe bleue marine en hiver, sauf, entre-autres, pour Otto Kretschmer qui continuera à porter la casquette réglementaire.

Karl Dönitz saluant l'équipage du U-boot à Saint Nazaire,

Karl Dönitz saluant l’équipage du U-boot à Saint Nazaire | Bundersachives

Si la Kriegsmarine reste une arme plus conservatrice que réellement nazie, la U-Bootwaffe en est la branche qui présente le plus de marins engagés idéologiquement avec le nouveau régime. Les membres d’équipages proviennent des quatre coins du pays et de toutes les couches de la société. On trouvera parmi eux d’authentiques nazis, encartés, antisémites et parfois membres de la SS, mais aussi des individus sans préférence politique claire, voire des opposants au régime. Par exemple, le 6 mars 1942, Reinhad Suhren, titulaire das Ritterkreuz, das Eiserne Kreuz mit Eichenlaub [2] et commandant du U-564 [3] rentre de mission à la base de Brest. Lors de son arrivée, il demande au comité d’accueil [4] de son kiosque avec un porte-voix : « Si les nazis sont toujours aux commandes ? », il répond, après avoir entendu quelques « oui » timides, « Ah merde, machines arrières toutes ».

On a souvent affirmé que la U-Bootwaffe était uniquement composée de volontaires. Le volontariat permet d’éviter une affectation aux gros bataillons de l’infanterie, d’autant que la propagande exalte les exploits des U-Boote et du FreiKorps Dönitz [5]. Après plusieurs tests et mises en situation, seuls 20% des volontaires sont jugés aptes à l’arme sous-marine, ce qui veut dire qu’ils ne manquaient pas.

À compter du milieu de 1941, on voit apparaître des conscrits affectés d’office. Mais une bonne part des affectés vient simplement d’autres branches de la Kriegsmarine. L’équipage d’un U-Boot doit être soudé et motivé, un marin affecté contre son gré aurait été rapidement débarqué.

Les sous-mariniers surnomment souvent leur Komandant « Die Alter Mann » [6], car il est en effet le plus âgé que le reste de l’équipage dont la moyenne d’âge tourne en effet autour de vingt-cinq ans. Le commandant est cependant encore relativement jeune : vingt-huit ans au cours de la guerre, un âge qui s’effondre à vingt-quatre ans si l’on ne considère que la fin du conflit. Hans-Heinrich Haas n’a que vingt-et-un ans lorsqu’il devient commandant U-2324 [7] en juillet 1944 et Ludwig-Ferdinand von Friedeburg [8] à tout juste vingt ans lorsqu’il prend les commandes du U-155 [9] le 15 août de la même année.

Ils touchent des allocations spéciales par mission qui doublent pratiquement leur solde. Revenus à terre, pour eux c’est la grande vie et les hôtels de luxe réquisitionnés pour les officiers font oublier à beaucoup leur rude existence en mer.

Au début du conflit, les équipages sont accueillis comme des héros avec la présence de militaires gradés, de personnel féminin offrant des fleurs, d’officiels civils, des marins, et d’une fanfare jouant souvent les notes du fameux Das Engelandlied [10] ou du Wir Fahren Gegen Engenland [11] le chant fétiche des équipages de U-Boote. A quai, les équipages se distingueront par une indiscipline et un franc-parler qui n’est acceptés dans aucun autre service.

A partir de 1943, la durée de vie d’un sous-marin n’est souvent plus que de deux missions. Les équipages sont exténués par le rythme qui leur est imposé et les officiers sont de moins en mois entraînés. Même une augmentation de la production sous-marine qui aurait été si utile au début du conflit ne sert plus à rien car la Kriegsmarine, malgré les recrues supplémentaires, manquent d’officiers.

Le commandant d’un U-boot est généralement Kapitänleutnant [12]. Toutefois les pertes seront telles que de plus en plus d’Oberleutnant zur See [13] assumeront la fonction de commandant, jusqu’à devenir les plus représentés.

[1] Casquette.

[2] Croix de chevalier, croix de fer avec feuilles de chêne. Pour beaucoup de sous-mariniers, ces distinctions symbolisent le plus grand honneur que l’on puisse obtenir. Les équipages sont très fiers de leur capitaine quand il reçoit cette ou ces décorations et parfois elle estajoutée à l’insigne du bateau.

[3] Type VIIC.

[4] Avec, entre-autres, Heinrich Lehman-Willembrok le chef de la 9. Unterseebootsflottille de Brest.

[5] Corps franc Dönitz 

[6] Le vieux.

[7] Type XXIII.

[8] Plus jeune commandant de U-Boot, il est le fils du Generaladmiral Hans-Georg von Friedeburg. Il commande le U-4710, de type XXIII, jusqu’à à la fin de la guerre. En 1951, il est diplômé de sociologie et, membre du SPD, il devient ministre de l’éducation en 1969. Il décède le 17 mai 2010.

Hans-Georg von Friedeburg, Generaladmiral, est commandant en second de l’arme sous-marine. Il succède à à Karl Dönitz, puis, pendant quelques jours en mai 1945, il est le dernier commandant en chef de l’ensemble des forces navales du Reich. Il fait partie du gouvernement de Flensbourg. Il participe à la signature de la capitulation comme dernier commandant en chef de la Kriegsmarine et se suicidera le 23 mai lors de son arrestation.

[9] Type IXC.

[10] « La chanson d’Angleterre » : Chanson de marche militaire allemande composée en 1939 par Ferdinand Friedrich Hermann Nielebock (connu sous le nom d’Herms Niel) avec les textes de Hermann Löns.

[11] « Nous roulons vers l’Angleterre » : Chanson de marche militaire allemande composée lors de la première guerre mondiale par Georg Goehler et Hermann Lons.

[12] Lieutenant de vaisseau.

[13] Enseigne de vaisseau de 2ème classe.

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