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Le consentement médical et les procès des médecins de Nuremberg

Par Guillaume BERTIN – secrétaire général du Mémorial des bunkers de Pignerolle – Etudiant en sciences infirmières. 

Les procès des médecins de Nuremberg : contexte et présentation

Moins connus que les procès de Nuremberg des dignitaires nazis qui se sont tenus devant une Cour internationale du 20 novembre 1945 au 1 octobre 1946, les procès des médecins de Nuremberg furent des procès jugés devant un tribunal militaire américain (TMI) à Nuremberg entre le 9 décembre 1946 et le 20 août 1947.

Le TMI est présidé par Walter Beals président de la Cour Suprême de l’État de Washington assisté par 3 juges dont Harold Sebring, juge de Floride, de Johnson Crawford, juge de l’Oklahoma, et d’un juge suppléant Victor Clarence Swearingen qui était juge du Michigan.

L’accusation est quant à elle dirigée par le procureur général James McHaney, aidé de deux conseillers et quatre assistants.

Le procès des médecins de Nuremberg à l'origine du consentement médical

Le procès des médecins de Nuremberg à l’origine du consentement médical

Les chefs d’accusation et les accusés

Près de 22 hommes – dont 20 médecins – et 1 femme vont être jugés au cours de ces procès de Nuremberg au regard de 4 chefs d’accusation :

  1. Intention commune et complot en vue de commettre les délits des deuxième et troisième chefs.
  2. Crimes de guerre dans les prisons du Reich, en violation des règlements de La Haye, des conventions de Genève, des lois et coutumes de la guerre, des lois des nations civilisées.
  3. Crimes contre l’humanité.
  4. Appartenance à la SS après le 1er septembre 1939.

Sur ces 23 accusés, seuls 16 vont être condamnés par le TMI.

Le Code de Nuremberg

En l’absence de textes juridiques et de lois permettant le jugement des accusés (Le Serment d’Hippocrate n’étant pas suffisant pour le jugement), le TMI compile les règles éthiques et de « bonnes pratiques » médicales qui étaient connues antérieurement à ce procès afin d’avoir une base pour pouvoir juger les accusés. Cette compilation a permis de condamner les accusés pour l’organisation d’expériences et d’actes médicaux illicites réalisés dans des conditions atroces, notamment sur les personnes détenus dans les les camps de concentration comme à Auschwitz-Birkenau.

Ces règles ainsi compilées forment ce qui sera appelé le Code de Nuremberg. Il s’agit du premier texte juridique à portée internationale et universelle régissant les pratiques d’expérimentation sur les êtres humains. En ce sens, le Code de Nuremberg, adopté en août 1947, repris par la suite dans la Déclaration d’Helsinki (qui énonce les grands principes éthiques en matière de recherche médicale et biomédicale qui inclut l’être humain) constitue l’acte fondateur de l’éthique médicale moderne. Ses grands principes, adaptés dans les divers Codes de Déontologie des professions de santé, restent encore appliqués de nos jours et expriment les conditions de légalité, d’éthique et de respect dans lesquelles les expérimentations et les essais sur l’être humain doivent être réalisés.

Le Code de Nuremberg adopté en août 1947

Le Code de Nuremberg adopté en août 1947

Aussi, on considère aujourd’hui le corps de l’humain comme sacré et privé. En ce sens, il n’est pas possible pour un professionnel de santé quel qu’il soit de procéder à un acte médical ou paramédical, à un examen ou à tout autre geste sans l’accord de la personne à qui il est destiné.

Si le Code de Nuremberg est comme nous venons de le dire considéré comme le texte juridique précurseur de l’éthique médicale moderne, plusieurs autres moments comme la conférence d’Helsinki, le Congrès de Tokyo et les lois internationales ultérieures continuent de l’amender, de le compléter, de le réviser et de l’enrichir pour s’adapter aux techniques et technologies nouvelles.

Les 10 points du Code de Nuremberg

  1. Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne concernée doit avoir la capacité légale de consentir ; qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou de coercition ; et qu’elle doit avoir une connaissance et une compréhension suffisantes de ce que cela implique, de façon à lui permettre de prendre une décision éclairée. Ce dernier point demande que, avant d’accepter une décision positive par le sujet d’expérience, il lui soit fait connaître : la nature, la durée, et le but de l’expérience ; les méthodes et moyens par lesquels elle sera conduite ; tous les désagréments et risques qui peuvent être raisonnablement envisagés ; et les conséquences pour sa santé ou sa personne, qui pourraient possiblement advenir du fait de sa participation à l’expérience. L’obligation et la responsabilité d’apprécier la qualité du consentement incombent à chaque personne qui prend l’initiative de, dirige ou travaille à l’expérience. Il s’agit d’une obligation et d’une responsabilité personnelles qui ne peuvent pas être déléguées impunément ;
  2. L’expérience doit être telle qu’elle produise des résultats avantageux pour le bien de la société, impossibles à obtenir par d’autres méthodes ou moyens d’étude, et pas aléatoires ou superflus par nature ;
  3. L’expérience doit être construite et fondée de façon telle sur les résultats de l’expérimentation animale et de la connaissance de l’histoire naturelle de la maladie ou autre problème à l’étude, que les résultats attendus justifient la réalisation de l’expérience ;
  4. L’expérience doit être conduite de façon telle que soient évitées toute souffrance et toute atteinte, physiques et mentales, non nécessaires ;
  5. Aucune expérience ne doit être conduite lorsqu’il y a une raison a priori de croire que la mort ou des blessures invalidantes surviendront ; sauf, peut-être, dans ces expériences où les médecins expérimentateurs servent aussi de sujets ;
  6. Le niveau des risques devant être pris ne doit jamais excéder celui de l’importance humanitaire du problème que doit résoudre l’expérience ;
  7. Les dispositions doivent être prises et les moyens fournis pour protéger le sujet d’expérience contre les éventualités, même ténues, de blessure, infirmité ou décès ;
  8. Les expériences ne doivent être pratiquées que par des personnes scientifiquement qualifiées. Le plus haut degré de compétence professionnelle doit être exigé tout au long de l’expérience, de tous ceux qui la dirigent ou y participent ;
  9. Dans le déroulement de l’expérience, le sujet humain doit être libre de mettre un terme à l’expérience s’il a atteint l’état physique ou mental dans lequel la continuation de l’expérience lui semble impossible ;
  10. Dans le déroulement de l’expérience, le scientifique qui en a la charge doit être prêt à l’interrompre à tout moment, s’il a été conduit à croire — dans l’exercice de la bonne foi, de la compétence du plus haut niveau et du jugement prudent qui sont requis de lui — qu’une continuation de l’expérience pourrait entraîner des blessures, l’invalidité ou la mort pour le sujet d’expérience.

Sources

  • Halioua, B. (2008). Le procès des médecins de Nuremberg l’irruption de l’éthique médicale moderne. Vuibert.
  • Bayle, F., Bonah, C., Mouillie, J-M. (2020). Croix Gammée contre Caducée – Précédé de François Bayle et les procès des médecins de Nuremberg. Belles Lettres.